Exemples d'arguments fallacieux des pétroliers
LETTRE AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE ET AUX MEMBRES DU GOUVERNEMENT
Monsieur le Président, A la suite de la constitution du nouveau gouvernement, nous souhaitons au titre de notre association (l’Amicale des Foreurs et des Métiers du Pétrole), qui rassemble plus de 1700 professionnels actifs et retraités de l’industrie pétrolière, attirer votre attention sur le sujet aujourd’hui « tabou » des hydrocarbures non conventionnels (HNC).
Les
HNC, plus spécialement le « gaz de schiste », ont en effet été l’objet
d’une campagne de dénigrement sans précédent orchestrée par certaines
personnalités avec l’aide d’un film dit « documentaire », « Gasland » de
l’américain Josh Fox. Cette campagne a été reprise par un certain
nombre de collectifs, avec l’appui de médias plus soucieux de
sensationnel que d’exactitude technique. Les politiques de tous bords
ont suivi le mouvement sans malheureusement écouter les avis des
personnes compétentes, ce qui a conduit à la loi interdisant la «
fracturation hydraulique » et à l’annulation de plusieurs permis de
recherche dont les titulaires ont d’ailleurs déposé un recours.
Nous souhaitons en premier lieu attirer votre attention sur l’aspect technique de l’exploitation de ces HNC :
1. Les HNC sont des hydrocarbures identiques à ceux qui sont exploités à
ce jour : la seule différence étant qu’ils sont restés dans leur
matrice d’origine (les roches-mères), alors que les conventionnels ont
été expulsés de cette matrice et se sont retrouvés dans des pièges
stratigraphiques.
2. Les techniques de forage pour accéder à
ces roches mères sont les mêmes que celles qui se pratiquent depuis des
décennies : il y a eu plus de 6000 puits forés en France sans incident
notoire, en particulier sans pollution des nappes phréatiques qui sont
traversées et isolées au cours de ces forages.
3. C’est la
technique d’exploitation qui diffère puisqu’il est nécessaire de
fissurer ces roches afin de créer une micro-perméabilité qui permettra
au fluide de s’écouler : c’est ce que nous appelons la stimulation
hydraulique (la « fracturation » dans le langage commun).
4.
La stimulation hydraulique est une technique ancienne systématiquement
utilisée dans certains réservoirs « conventionnels ». Elle est donc bien
maîtrisée.
Ce qui fait la différence dans le cas des HNC, c’est le fait de son
utilisation sur une plus grande échelle.
5. Le fluide de
stimulation est essentiellement composé d’eau (plus de 99%) : il en faut
certes des quantités importantes, variables d’un puits à l’autre, mais
:
1. La consommation d’eau est ponctuelle et non permanente.
2. Une bonne partie de cette eau est récupérée et traitée (notre
législation est très stricte en ce domaine) et peut être réutilisée.
3. Il ne peut être question de prélever cette ressource au détriment de besoins prioritaires (agricoles par exemple).
4. Elle représente une infime portion de ce qui est utilisé
industriellement ou même pour des besoins moins nobles comme le lavage
des véhicules.
6. Les additifs, présentés comme hautement
toxiques et en quantités phénoménales, ne sont que des produits d’une
utilisation courante dans notre vie quotidienne (alimentation,
cosmétiques, produits ménagers) ; ils sont en nombre très limité (une
douzaine environ) et la profession n’a rien à cacher à leur sujet.
7. Le « mitage » du territoire que présente le film Gasland a pour
origine la loi nord-américaine où le propriétaire du sol est aussi
propriétaire du sous-sol, ce qui incite chaque propriétaire à avoir un
puits sur son terrain. Ceci n’existe pas en France et la profession sait
depuis longtemps forer un grand nombre de puits à partir d’une
empreinte au sol réduite.
8. On sait également depuis
longtemps minimiser les nuisances occasionnées lors du forage : de
nombreux puits ont été forés en France en zone urbaine ou péri-urbaine
sans que les riverains en soient sérieusement incommodés. Ces nuisances
sont de plus très limitées dans le temps et la production en elle-même
n’en produit aucune.
On peut rappeler que 7 puits ont été forés en plein PARIS, le
dernier ayant été exécuté en juillet/août 1999 au Square VERLAINE, par
la Société COFOR. Ces forages n’ont donné lieu ni à pollution ni a
manifestations de contestation de la part des riverains.
De plus amples détails techniques sont disponibles sur le site internet de notre Amicale (www.foreurs.net).
Cet
aspect technique ayant été précisé, nous souhaitons maintenant
attirer votre attention sur des considérations socio-économiques.
1. L’important déficit de notre balance commerciale est dû en grand
partie (plus de 65 milliards d’euros) aux importations de pétrole et de
gaz : il est inutile d’insister sur l’aspect positif qu’aurait une
production nationale.
2. Le prix
du gaz ne cesse d’augmenter en France en raison des contrats passés
avec les fournisseurs étrangers, alors qu’une production domestique
pèserait sur les prix comme c’est le cas actuellement aux USA.
3. Les emplois qui pourraient être générés par l’exploitation des
HNC sont des emplois nationaux non délocalisables. On sait par l’exemple
des USA que cette activité nécessite une main-d’œuvre importante.
Nous avons en France une expertise dans tous les domaines
nécessaires à ces travaux et les industriels sont prêts à faire face à
un développement de la demande.
C’est essentiellement à ce titre que l’AFMP intervient dans ce débat
car elle souhaite que les métiers du forage (dont tous nos adhérents
sont ou ont été les acteurs) retrouvent en France une nouvelle période
faste : ce sont de magnifiques métiers auxquels nous sommes tous très
attachés.
4. La France est un
des derniers pays d’Europe à n’avoir pris en considération que les
aspects négatifs de l’exploitation des HNC : ailleurs les travaux
avancent et les premières productions sont attendues dès 2014. Nous ne
comprenons pas cette frilosité et nous avons peur de voir notre pays
prendre du retard en ce domaine.
5. Nous ne sommes pas des citoyens inconscients des enjeux du
réchauffement climatique et de la nécessité de réduire l’utilisation des
énergies fossiles, mais :
1.
L’humanité aura encore besoin pendant de nombreuses décennies des
hydrocarbures pour certains modes de transport, pour l’industrie
chimique, etc.
2. D’autres pays
vont utiliser des HNC et en fournir à bien meilleur marché que les
énergies renouvelables pendant de nombreuses années : il faut donc
développer les techniques de captage et de stockage du CO² pour limiter
les effets négatifs des hydrocarbures.
3. Certaines énergies renouvelables comme le photovoltaïque et l’éolien
sont très consommatrices en ressources naturelles (terres rares) et
leur fabrication tend à dépendre d’un seul pays, la Chine : il y a donc
un grand risque à leur faire une part trop grande dans notre politique
énergétique. De plus, le photovoltaïque comme l’éolien ne présentent
aucune garantie de disponibilité immédiate en cas de besoins ponctuels :
ils nécessitent donc d’être complémentés par des centrales thermiques
fonctionnant généralement au gaz.
Il
nous semble aujourd’hui nécessaire de mettre en place des
expérimentations pour évaluer les risques liés à l’utilisation des
techniques d’extraction des HNC, comme le prévoit la loi votée en juin
2011. Par ailleurs, la poursuite de forages de recherche permettrait
d’obtenir une estimation des ressources de notre sous-sol. J’attire
votre attention sur le fait que ces programmes d’expérimentation et de
recherche ont été préconisés par le Conseil Général de l’Industrie et le
Conseil Général de l’Environnement dans un rapport publié en mars
dernier.
Pour toutes les raisons que nous venons de vous exposer, nous vous
demandons de reconsidérer la question des HNC avec plus de
pragmatisme, hors de toute idéologie et sans céder aux inévitables
pressions que les détracteurs démagogues ne manqueront pas d’exercer
sur vous.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre haute considération.
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