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  • Gaz de schiste : la fracturation, sinon rien ?

    Publié le 26 avril 2013  




    Principale leçon de l’audition publique qui s’est tenue le jeudi 18 avril à 2013 à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) : la meilleure alternative à la fracturation hydraulique n’est autre que… la fracturation hydraulique elle-même, mais « améliorée ». Ce procédé resterait incontournable, en l’état actuel des techniques, pour l’exploration et l’exploitation du gaz et de l’huile de schiste.

    L’audition publique organisée à l’OPECST le jeudi 18 avril portait le titre prometteur de : « Techniques alternatives à la fracturation hydraulique pour l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non-conventionnels ». En réalité, le bilan de ces techniques « autres » a été assez vite balayé, au profit de la fracturation hydraulique « améliorée », c'est-à-dire plus respectueuse de l'environnement. 

    Certes, « il y a des brevets, des pilotes, des études en cours sur des fluides alternatifs à l’eau, sur l’arc électrique et sur les méthodes par explosion », a indiqué Gilles Pijaudier-Cabot, directeur du Laboratoire des fluides complexes et leurs réservoirs (CNRS/Total) et de l’Institut Carnot ISIFoR à l’université de Pau. On peut distinguer d’une part, des fracturations par injection de liquides autres que l’eau sous pression (méthanol/diesel, propane, hélium, CO2) et d’autre part, des fracturations par d’autres méthodes, notamment par électricité ou explosion. Mais le bilan des recherches menées à ce jour reste maigre. Deux équipes travaillent actuellement sur la stimulation électrique – c’est-à-dire la fracturation de la roche par une secousse électrique – aux États-Unis et en Chine, mais les fractures ainsi créées sont moins longues que par la fracturation hydraulique. Quant aux méthodes par explosion – y compris d’origine atomique, comme cela a été testé dans les années 1960 en Russie et aux États-Unis – elles seraient techniquement envisageables. Mais elles ne seraient sans doute pas davantage acceptables socialement que la fracturation hydraulique…


    Stimulation propane : une alternative réaliste ? 


    Au contraire, la « stimulation propane » a été traitée de manière exhaustive grâce à la présence, dans l’enceinte parlementaire, de John Francis Thrash, PDG d’ecorpStim. Cette entreprise nord-américaine, soucieuse, comme le montre la réalisation de ce sondage, de gagner la confiance des Français, a mis au point un procédé a priori séduisant. En effet, la stimulation propane consiste à injecter du propane pur dans la roche pour en extraire des hydrocarbures non-conventionnels. Grâce à cette méthode, plus de 95 % du propane liquide injecté remonte sous forme gazeuse et est ainsi récupéré avec le gaz naturel produit. Elle crée donc un « circuit fermé ». Autre avantage, ce fluide dit « inerte » ne charrie pas, en remontant des profondeurs, d’éventuels métaux lourds présents dans la roche. En outre, dans ce cadre, plus besoin d’eau ni d’additif chimique. Enfin, « le risque sismique est réduit au maximum », a indiqué J. F. Thrash, ajoutant que « cela répondait ainsi à toutes les préoccupations auxquelles les partisans de la fracturation hydraulique ne pouvaient apporter aucune réponse ». À un détail près : l’extrême inflammabilité du propane rend délicate l’adoption d’un tel procédé sur un continent européen densément peuplé, dans le Bassin parisien par exemple, puisqu’il présente « des risques d’incendie ou d’explosion ». Les représentants des entreprises concurrentes présentes durant la rencontre se montraient d’ailleurs très sceptiques, même si selon ecorpStim, les risques industriels de la stimulation propane sont parfaitement maîtrisés.



    Environnement, quatre interrogations 


    D’après le bilan dressé par les institutions publiques, au premier rang desquelles l’Agence états-unienne de protection de l’environnement et bien sûr de nombreuses associations « anti-gaz de schiste », l’expérience de l’Amérique du Nord fait ressortir quatre types de problèmes environnementaux, présentés de manière synthétique dans un rapport de l’Ineris d’avril 2012.

    Premier problème : le déclenchement de microséismes, comme les deux secousses d’une magnitude de 1,5 et 2,3 sur l’échelle de Richter enregistrées en Angleterre en 2011. Second problème : la pollution possible des aquifères par le gaz ou les éléments chimiques et/ou radioactifs présents dans la roche, remontés vers la surface avec le gaz ou l’huile produits. De pair avec ce problème se pose la question du traitement des effluents de forage, parfois chargés d’éléments chimiques remontant de la roche. Présent durant l’audition, Pierre Toulhoat, le directeur scientifique de l’Ineris et membre du comité scientifique de l’OPECST, a rappelé que les schistes constituaient de « véritables pièges à métaux lourds et à composés radioactifs, uranium compris, notamment quand ils se trouvaient à proximité de zones granitiques ». Enfin, à cela s'ajoute la pollution visuelle et sonore des plates-formes d'exploitation à la surface.

    Des risques mieux maîtrisés ? 


    Des ressources enfouies à
    grande prodondeur
    Sur tous ces points, les industriels présents assurent que grâce au retour d’expérience nord-américaine, les risques sont désormais mieux maîtrisés : les forages sont entourés de tubages multiples, de cuvelages en acier et de ciment pour prévenir toute contamination des nappes. En outre, plus de 1000 mètres séparent les aquifères exploitables, proches de la surface, des hydrocarbures de roche, situés plus en profondeur. À cela s’ajoute la technologie dite « microsismique » de capteurs ultra-sensibles qui permet de suivre l’extension des fractures en temps réel. Directeur de recherches au CNRS, Bruno Goffé va plus loin : il indique que certains métaux lourds, comme le lithium, qui « remontent » avec les effluents de forages, pourraient être exploités commercialement. Réputés toxiques, sinon cancérigènes, les additifs chimiques employés seraient dorénavant moins toxiques et pourraient, dans l’avenir, être remplacés par des produits biodégradables. Enfin, les volumes d’eau utilisés pour la fracturation (de 10 à 20 000 m3 par puits) pourraient être réduits ou recyclés d’une précédente fracturation ; l’eau elle-même pourrait être de l’eau de mer ou tirée d’un aquifère profond et impropre à la consommation.




    La quadrature du cercle


    Mais comment mesurer la possibilité de mettre en œuvre ces améliorations en France ? Président de l’Institut français du pétrole - Énergies nouvelles (IFPEN), Olivier Appert a souligné que « la communauté scientifique française avait besoin d’un signal clair qu’il était possible, sinon souhaitable, de travailler sur la fracturation et ses alternatives ». Or, sur ce point, industriels, experts et politiques présents durant l’audition ont dressé un constat unanime : difficile d’avancer en l’état actuel de la loi, même si l’article 4 prévoit un suivi annuel de « l’évolution des techniques d’exploration et d’exploitation ».

    Carte des ressources en gaz de schiste dans le monde
    Pour eux, la première étape serait d'évaluer les ressources dont dispose la France. À cet effet, il faudrait pouvoir mesurer le taux de récupération des hydrocarbures concernés, c’est-à-dire le rapport entre d’une part, le pétrole et le gaz contenus dans la roche-mère et d’autre part, le volume qui peut en être extrait dans des conditions économiquement viables. Ce taux est en moyenne, dans le monde, de 35 % pour le pétrole conventionnel. « Il s’agit d’un taux assez faible en général pour l’huile et le gaz de schiste, de 2 à 15 % seulement, explique Christian Besson, de l’Agence internationale de l'énergie (AIE). « Or on n’est pas capable d’évaluer ce taux sans forer de puits réalistes, horizontaux, avec fracturation hydraulique ». En Pologne, où le gouvernement promeut activement l'exploration des hydrocarbures de roche-mère, 43 puits avaient été forés en avril 2013 à des seuls fins d’évaluation des ressources (pour un objectif de 200 puits d’ici 2015-16). Ce qui, au passage, a révélé que les estimations de ressources avancées par le secrétariat américain à l’Énergie, seule institution à avoir divulgué des évaluations mondiales des volumes d’hydrocarbures de schiste, étaient sans doute surévaluées… d’un facteur 10 ! 

    Pragmatique, le président de l’IFPEN a signalé que « le sujet du schiste, en France, se dégonflerait peut-être tout seul si on procédait à des forages et constatait que les réserves sont très inférieures aux chiffres actuellement avancés… ». Présent dans la salle, le représentant d’une compagnie pétrolière ne cachait pas non plus son scepticisme : « On n’est même pas sûrs que cette exploitation puisse être rentable… ».

    « Allons au moins voir… »

    Durant une audition publique de l'OPECST

    En tout état de cause, pour évaluer les ressources, il faudrait « certainement forer des dizaines, voire une centaine de forages », a précisé Christian Besson, analyste senior à l’AIE. Très approximatifs, les chiffres de ressources de gaz de schiste actuellement disponibles pour l’Hexagone sont de 5000 gigamètres cube (Gm3) dans le bassin de Sud-Est selon l’EIA (Energy Information Agency, l'Agence d'information sur l'énergie qui relève du secrétariat américain à l'énergie), soit un siècle de consommation gazière française (46 Gm3/an environ). Autre chiffre disponible, celui de 500 Gm3 correspondant à trois permis, avancé par le Conseil général de l'industrie, de l'énergie et des technologies (CGIET).

    « Est-ce qu’on en a vraiment sous les pieds ? » s’est interrogé, en conclusion, le sénateur de l’Orne, Jean-Claude Lenoir, un des deux rapporteurs du rapport sur la fracturation hydraulique aux côtés de Christian Bataille, député du Nord. Avant d’apporter à la question un début de réponse : « Le bon sens conduit à dire, allons au moins voir, et donc explorer. La recherche doit se poursuivre ». Le rapport d’étape sur la fracturation hydraulique est attendu pour mai, le rapport définitif pour octobre prochain. Ils soulèveront probablement la question d’un amendement à la loi du 13 juillet 2011.

    ©  Science actualités.fr - PBarbara Vignaux

     
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