hit counter

Meta Tag Generator

Touchepasmaroche-mere Touchepasmaroche-mere


  •     ACCUEIL    
  • « La gestion de l’environnement est une gestion de la restriction »

    Publié le 28 Février 20187  


    Lien vers l'article original: ici

    Dans son livre « Dormez tranquilles jusqu’en 2100 », titre qui feint que tout va bien dans le meilleur des mondes, Jean-Marc Jancovici bat en brèche les solutions portées aux nues par les responsables politiques et économistes pour sortir de la pénurie énergétique. La fameuse croissance verte nous sauvera-t-elle ? Le solaire, l’éolien, l’hydraulique remplaceront-ils les énergies fossiles ? Les collectivités peuvent-elles agir ? À ces trois questions, Jean-Marc Jancovici répond par la négative. Et lui, que propose-t-il ?





    Ingénieur de l’École polytechnique, Jean-Marc Jancovici est consultant, enseignant et fondateur de la société Carbone 4. En 2011, il fonde et préside « The Shift Project », think tank qui promeut une économie soutenable et l’accélération de la transition énergétique. En 2006, il collabore à l’élaboration du Pacte écologique de la Fondation Nicolas Hulot. De 2001 à 2010, il est consultant et collabore avec l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) pour la mise au point du bilan carbone dont il est le principal développeur. Conférencier, blogueur, chroniqueur de presse, Jean-Marc Jancovici est régulièrement sollicité par les télés et radios pour commenter l’actualité liée à la crise énergétique et au réchauffement climatique. Signe distinctif : l’écologiste est partisan du nucléaire civil, qui, selon lui, évite plus d’inconvénients pour la société.

    Que retenez-vous de la 23e conférence sur le climat (Cop 23) qui s’est tenue en novembre dernier ?


    Les Cop sont des enceintes où les décisions se prennent par consensus. Une « rupture » prend place dans une Cop quand un nombre suffisamment important de pays influents ont déjà fait leur la résolution qui sera adoptée. Il ne faut pas espérer d’une Cop ce que les Français attendent de leur président ou d’un roi qu’ils n’ont plus, à savoir une décision innovante, adaptée au problème à traiter, qui sera imposée par une autorité pour le bien commun même si de nombreuses personnes sont contre. La plus grande avancée a eu lieu à la Cop 15, en 2009 à Copenhague, précisément parce que deux douzaines de leaders mondiaux se sont réunis au débotté pendant une nuit la deuxième semaine, pour accoucher d’une feuille de route en deux pages qu’ils ont ensuite imposée aux autres. Les 2°C [NDLR : ne pas dépasser une augmentation moyenne de 2 °C d’ici 2100 par rapport à l’ère pré-industrielle] et les 100 milliards du fonds vert [NDLR : dont le but est les pays les plus avancés transfèrent de l’argent aux pays les plus vulnérables pour les aider à développer des projets pour lutter contre les effets du changement climatique] sont nés cette année-là. Les ONG ont qualifié cette Cop d’échec à tort, pour des questions de forme et non de fond.

    Vous affirmez que l’économie se contracte depuis 2006 dans les pays riches, parce que le maximum de l’approvisionnement énergétique a été dépassé. Or, le Fonds monétaire international (FMI) annonce encore une hausse du PIB planétaire de 3,9 % cette année, après la hausse de 3,7 % en 2017.


    La production industrielle de l’OCDE [NDLR : Organisation de coopération et de développement économiques] est bien inférieure aujourd’hui à ce qu’elle était en 2007, il suffit de regarder les statistiques ! Le taux d’emploi, c’est-à-dire la fraction des adultes (15 ans et plus) qui ont un emploi, y est 1 % plus bas en 2016 qu’en 2007. La quantité de m2 construits dans l’année en Europe est passée par un maximum en 2007, de même que la quantité de camions qui circulent sur les routes… La décélération physique se fait donc en tendance, même si l’on continue à dire que la croissance va revenir ! La hausse du produit intérieur brut est en outre un peu biaisée. D’une part, on y met des éléments qui n’y étaient pas avant (recherche, activités illicites…). D’autre part, la hausse des prix des actifs (immobilier, actions…) gonfle mécaniquement le PIB sans production supplémentaire. Quant aux prévisions de croissance du FMI, cela fait maintenant 15 ans qu’elles sont systématiquement invalidées dans les deux années qui suivent. Et cela n’empêche pas les politiques et les médias de les mettre en avant, et Bercy de continuer d’en tenir compte.


    Pourquoi ce déni des économistes et des responsables politiques face à un monde qui ne peut plus croître ?


    Au moment où l’économie classique naît, il y a deux siècles, elle a postulé que les ressources naturelles étaient illimitées, et donc hors champ de la théorie. Dans le monde du physicien et de l’ingénieur, c’est l’inverse : d’abord, vous avez des ressources naturelles, et la capacité à les transformer, c’est-à-dire l’énergie, et ensuite vous êtes capables de produire. Les euros ne sont que la contrepartie monétaire d’une transformation physique indispensable. L’économiste, lui, raisonne à l’envers ! D’abord, la production croit parce que nous le souhaitons, et ensuite cela « appelle » des ressources naturelles et de l’énergie, qui sont vues comme des charges. Mais vous ne les ferez pas changer d’avis : ça les obligerait à repartir de zéro, et aucune profession n’accepte cela. Les politiques également ne sont pas moins dans le déni. Ils ont envie de croire le message des économistes, qui disent : « Si vous appuyez sur les bons boutons, le PIB repartira, et il n’y a pas de problème de limite physique ». En outre, une élection étant une mise en concurrence, vous voyez des politiques se faire élire sur un programme dans lequel ils expliquent : « Bonne nouvelle les amis, à partir de maintenant il va falloir gérer la restriction », alors que le voisin promet le monde merveilleux ? Certes, Yves Cochet a été élu député pendant des années en disant que le monde allait s’effondrer, mais il était bien une exception… L’Occident est bien parti pour se désintégrer en étant toujours dans ce déni. Je ne suis pas du tout sûr que la théorie économique s’amendera avant…

    Vous voyez des politiques se faire élire sur un programme expliquant : « Bonne nouvelle les amis, à partir de maintenant il va falloir gérer la restriction » ?

    Le défi de l’humanité consiste à contenir la hausse des températures moyennes du globe à moins de 2°C d’ici à 2100 et, donc, de réduire l’utilisation des énergies fossiles. En prenons-nous le chemin ?


    Le drame, c’est que ceux qui en ont pris le chemin, dont l’Europe, ne l’ont pas choisi ! De 1992 (sommet de la Terre) à 2006, les émissions de l’Europe sont restées désespérément constantes. En 2006, sous la triple contrainte d’un déclin charbonnier et gazier sur le continent, et d’un plafonnement de l’offre pétrolière mondiale, l’Europe a commencé à baisser ses émissions. Mais les pays qui ont la possibilité de continuer à puiser dans les ressources fossiles de manière croissante, dont l’Inde, la Chine, les pays d’Amérique latine, le font… Bref, aujourd’hui les seuls qui ont baissé leurs émissions de CO2 s’arrogent des brevets de vertu en disant que c’est à cause du climat, mais c’est hélas lié à une contrainte d’approvisionnement en énergie, qui a déclenché la crise économique…

    Comment agir pour stopper l’addiction mondiale à l’énergie ?


    Il n’y a malheureusement que deux options, aucune n’étant parfaite. Soit on s’impose de nous-mêmes une forme de sobriété, qui est récessive, et que l’on gère au mieux. Ou bien, les ressources fossiles étant épuisables, le système se régule un peu plus tard (ou dès à présent en Europe) par la pénurie subie, et ce sera pire. En particulier si la régulation touche à la population, cela signifie le retour des famines et pandémies. Soit dit en passant, plus vite la population augmente aujourd’hui, et plus ce sera dur de relever le défi de la sobriété, parce que plus nous serons nombreux autour de la table, et plus il sera difficile de satisfaire tout le monde avec la même quantité de nourriture.



    © Séverine Cattiaux pour Lettreducadre.fr

     
    Partager en 1 clic :
    Imprimer ou télécharger en PDF cet article :
    Print Friendly and PDF

    Aucun commentaire :

    Enregistrer un commentaire