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  • Feux géants en Sibérie : un été dévastateur pour l’environnement

    Publié le 12 Septembre 20197  


    Lien vers l'article original: ici


    Les immenses feux de forêts estivaux en Sibérie ont été à l’origine de fumées toxiques — dispersées sur des milliers de kilomètres — du rejet de fortes quantités de CO2 et de la disparition de toute une partie de la microfaune. Une partie de la forêt continue de brûler.

    • Moscou (Russie), correspondance

    Plus de 15 millions d’hectares de taïga brûlés en huit mois. 2019 s’annonce comme la pire année en matière d’incendies en Russie depuis 2001, année des premières statistiques du système de surveillance à distance de l’Agence fédérale des forêts. Le record précédent de 2003 — 15,99 millions d’hectares — étant déjà presque atteint début septembre, quatre mois avant la fin de l’année (15,93). Selon Greenpeace, 1,3 million d’hectares étaient toujours en feux début septembre.

    L’Organisation météorologique mondiale estime que la température observée au mois de juin dans les zones sibériennes — supérieure d’environ dix degrés Celsius à la normale de la période 1981-2010 — a favorisé le déclenchement de ces incendies.

    Un pic a été atteint en juillet avec 5,1 millions d’hectares en feu, les incendies s’étendant sur cinq régions du pays : les régions de Krasnoïarsk et d’Irkoutsk, la Yakoutie, les régions de Transbaïkalie. et de la Bouriatie.

    Localisation des feux de forêt de l’année 2019 en Sibérie
    au 4 septembre 2019.

    Le service Copernicus de surveillance de l’atmosphère de l’Union européenne a observé un nombre « inhabituellement élevé » d’incendies dans le cercle arctique notamment en Sibérie à partir de mi-juin jusqu’au mois d’août. La plupart concernaient la Sibérie, l’Alaska et le nord du Canada, engendrant des « niveaux d’émissions exceptionnellement élevés ».

    « Plusieurs grandes villes ont été plongées dans un
    brouillard de fumées toxiques »

    Très fréquents en Sibérie chaque année, les incendies ont connu cet été une médiatisation inédite du fait des fumées toxiques qui se sont dispersées sur des milliers de kilomètres pendant plusieurs semaines.

    « D’habitude, les vents dominants sont plutôt des vents d’Ouest, qui dirigent les fumées vers des régions peu peuplées de Yakoutie du Nord ou de la région d’Irkoutsk. Cette année, la direction des vents a changé et plusieurs grandes villes comme Krasnoïarsk, Novossibirsk ou Tomsk ont été plongées dans le brouillard », explique Alexandre Onoutchine, directeur de l’Institut Soukatchev, institut de recherche sur les forêts basé en Sibérie. Les fumées ont même atteint les villes de l’Oural Ekaterinbourg et Tcheliabinsk.

    La ville sibérienne de Novossibirsk sous les fumées des feux
    de forêt, le 25 juillet 2019. Selon Greenpeace, en 2010, les
    fumées — propagées jusqu’à Moscou — avaient causé la mort
    prématurée de 50.000 personnes.

    Les photos et les vidéos publiées sur internet des habitants souffrant de cette pollution de l’air ont provoqué une vague de mobilisation dans toute la Russie et au-delà. Les autorités fédérales russes, qui tardaient à réagir, ont finalement ordonné fin juillet l’intervention de l’armée pour venir en aide aux pompiers sur place.

    Le 21 août, l’Agence fédérale des forêts annonçait la stabilisation des incendies. « En Sibérie, 1,12 million d’hectares brûlent actuellement, dont 1 million sur des territoires reculés. » [1] L’organisme évaluait alors à environ 7 milliards de roubles (959 millions d’euros) les dégâts économiques causés par les incendies de forêt depuis le début de l’année en Russie.

    « Si le temps change et que les précipitations diminuent, sans mesures de lutte contre les incendies renforcées, il faut s’attendre à ce que la fréquence des incendies augmente à nouveau », prévient Alexandre Onoutchine, qui met en cause les lacunes du système de prévention et de lutte contre les incendies de forêt en Russie.

    Les autorités peuvent définir des « zones non prioritaires » et
    ne pas combattre certains feux

    « Auparavant, il existait un système de protection centralisé : on pouvait transférer des forces, des ressources, des moyens d’une région à l’autre si besoin. Maintenant, c’est très compliqué, regrette-t-il. La responsabilité est dévolue au pouvoir local. Chaque région gère ses propres ressources dans son coin et il est très compliqué légalement de mutualiser les moyens. »

    Pour le directeur de l’Institut de recherche, il faut absolument instaurer un système de gestion durable des forêts sur le long terme et augmenter les crédits budgétaires destinés à la prévention et à la suppression des incendies .

    Autre aspect de la législation forestière très critiquée : la possibilité pour les autorités — depuis 2015 — de définir des « zones non prioritaires », situées dans des endroits peu habités, loin des populations et des infrastructures, où elles décident de ne pas agir si le feu ne constitue pas une menace pour les habitants et si les coûts estimés des opérations de lutte contre les incendies dépassent ceux des dommages.

    Dans la région sibérienne de Irkoutsk, début août 2019.

    Pour Anton Beneslavsky, expert dans les feux de forêt au sein de Greenpeace Russie, la définition de telles zones de contrôle est bien une mesure nécessaire dans les territoires isolés, mais elle est trop souvent décrétée dans des zones inappropriées. En outre, le coût des dommages est pour lui sous-évalué, ne prenant en compte que la perte d’exploitation forestière.

    « À cause de cette loi, on laisse les incendies prendre de l’ampleur et causer de graves dommages, estime-t-il. Dans la lutte contre les feux, on sait très bien que les toutes premières heures sont cruciales. Si vous stoppez le feu rapidement, vous pouvez le contenir à une petite échelle, sinon c’est impossible. Ensuite, les dépenses pour l’éteindre augmentent de façon exponentielle. »

    Face à l’ampleur et à l’intensité croissantes des incendies en Sibérie, les experts du climat et les associations écologistes alertent sur leurs conséquences environnementales à long terme et la réaction en chaîne qu’ils provoquent : l’amplification du réchauffement climatique.

    « Il n’y a pas que l’Amazonie qui joue un rôle majeur dans la
    régulation du climat »

    En brûlant, les forêts de Sibérie rejettent de grandes quantités de CO2 dans l’atmosphère ainsi que des particules de cendre et de suie. Transportées par le vent jusqu’en Arctique, ces particules noires se mélangent à la glace, qui devient grise. Or, le gris absorbe davantage la chaleur que le blanc. La glace se réchauffe et elle fond plus vite. Les incendies rendent également le pergélisol — couche du sol gelée en permanence — plus exposé aux rayons du soleil, amplifiant le risque de dégel et de libération de méthane, autre gaz à effet de serre.

    Dans la région sibérienne de Irkoutsk, début août 2019.

    Autre conséquence irrémédiable, les dégâts causés en matière de biodiversité. « Quand plusieurs millions d’hectares de forêts brûlent simultanément, c’est terrible pour la faune. Bien sûr, les gros animaux peuvent s’échapper, mais toute la microfaune est tuée. C’est la base de la pyramide de la biodiversité qui est détruite », se désole Anton Beneslavsky.

    En Russie, les forêts couvrent plus de 800 millions d’hectares, soit un cinquième de la surface totale des forêts de la planète. « Il n’y a pas que l’Amazonie qui joue un rôle majeur dans la régulation du climat et pour la préservation de la biodiversité. L’écosystème sibérien, celui du Canada, du Congo, etc. sont aussi importants, affirme l’expert de Greenpeace. Si l’on perd l’un de ces écosystèmes, on ne sauvera pas le climat. »


    © Estelle Levresse pour reporterre.net


     
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