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  • SAVOIRS POUR L'ACTION

    L'expertise scientifique au service des politiques publiques

    Publié le 23 Juillet 2020  

    Commissariat général au développement durable
    Juillet 2020




    Le choc économique provoqué par l’épidémie de coronavirus est d’une ampleur exceptionnelle. Il affecte le monde entier et frappe aussi bien l’offre que la demande de biens et services. Selon les prévisions de l’OCDE, l’activité économique mondiale devrait connaître une récession entre 6% et 7,6% cette année, dépendant principalement de l’évolution de la pandémie ainsi que des politiques mises en place pour contrer sa propagation. Un impact très négatif sur l’emploi est anticipé avec un taux de chômage dans l’ensemble des pays de l’OCDE pouvant s'élever entre 9,4 et 12,6% au quatrième trimestre 2020.

    Face à cette crise systémique, l’analyse économique a un rôle fondamental à jouer pour proposer des solutions efficaces, susceptibles de relancer l’activité à court terme et de créer ou préserver des emplois. En France, au cours des derniers mois, et notamment à l’occasion de la Convention citoyenne pour le climat, s’est imposée dans les débats l’idée que la croissance économique doit se conjuguer avec la transition écologique et contribuer à l’atteinte des objectifs environnementaux, en particulier la neutralité carbone pour 2050.

    L’intérêt du savoir économique produit ces dernières années, basé entre autres sur l’expérience tirée des politiques de relance mises en place après la crise financière de 2008, est précisément de montrer qu’économie et environnement ne sont pas incompatibles. Bien au contraire, il existe de nombreux investissements verts capables d'offrir des rendements économiques élévés, notamment en termes de créations d’emplois. Ainsi, le « verdissement » des politiques économiques ne doit plus être vu comme une concession, mais comme un moteur de la relance de l’activité au service d'une croissance économique durable et participant à la construction d’une société plus résiliente.

    En cette période de crise, le Commissariat général au développement durable, avec son service de l’économie verte et solidaire, s’est mobilisé pour évaluer les mesures possibles d'une relance durable et contribuer à éclairer le débat public. Ce numéro spécial « économie » en est une illustration.

    Thomas Lesueur
    Commissaire général au développement durable
    Délégué interministériel au développement durable



    Investissement verts

    Mettre l’investissement vert au coeur de la reprise ?


    L’analyse économique met à la disposition des politiques publiques des outils permettant d’éclairer les choix les plus pertinents au service de la transition écologique et de nos ambitions environnementales, en aidant les décideurs à répondre aux interrogations les plus essentielles : comment procéder à cette transition à moindre coût, en priorisant les actions aux « coûts d’abattement » les plus faibles et en sélectionnant les actions vertes socialement efficaces à un moment donné ?

    A quels projets donner la priorité ?


    La nécessité d’une relance verte, basée sur les secteurs de la transition écologique, bénéficie d’une large approbation de la part des économistes, qu’ils soient institutionnels ou académiques, comme le révèle un rapport récent publié par la Smith School of Entreprise and the Environment (SSEE) de l’Université d’Oxford.
    Ce rapport se base sur une enquête menée auprès de 231 d’entre eux, dans les pays du G20, dans les universités, les ministères des Finances ou les banques centrales, et portant sur 25 types de mesures de relance se déclinant selon quatre dimensions : la rapidité de mise en œuvre, l’importance du multiplicateur budgétaire (c’est-à-dire la capacité d’une dépense publique à générer de la croissance économique), l’impact sur l’environnement et leur caractère plus ou moins souhaitable (« overall desirability »).
    Cette étude permet de mettre au jour l’accord des économistes sur la nécessité d’appliquer des mesures favorables au climat pour sortir de la crise, y compris en recourant à certaines dont les effets ne pourront se faire sentir qu’à long terme. Mais elle montre surtout que la plupart des experts sont convaincus des performances économiques des mesures vertes, de leur capacité à relancer l’activité par un effet multiplicateur, permettant au final d’obtenir un double dividende, économique (à court terme) et environnemental (qui, lui, peut ne se faire sentir que plus tard). En outre, l’étude de la SSEE a le mérite d’identifier les cinq secteurs où le retour sur investissement de la dépense publique est particulièrement fort : la construction d’infrastructures peu émettrices, l’éducation, la formation professionnelle, l’investissement dans le capital naturel, et la recherche et développement verte. C’est donc vers ce type d’investissements que les plans de relance doivent être orientés pour jouer efficacement leur rôle.
    En France, plusieurs secteurs ont été identifiés, notamment par I4CE, comme prioritaires pour accélérer la transition écologique tout en créant de l’emploi. La priorité n’est pas d’élaborer de nouveaux projets, mais d’accélérer la réalisation de projets déjà existants, bien définis, comme ceux proposés dans la Stratégie nationale bas carbone (SNBC). Cela permettrait de rattraper notre retard sur la réalisation de nos objectifs environnementaux.
    La forte augmentation des dépenses publiques, qui a été nécessaire ces derniers mois pour sauvegarder le tissu productif et préserver le revenu des ménages mis en danger par la crise, a pour conséquence que l’État verra dans l’avenir proche sa contrainte budgétaire se resserrer, et ses marges de manœuvre pour financer les dépenses de la transition écologique devenir plus étroites. C’est pourquoi, celles-ci doivent être choisies selon des critères bien définis : seuls les projets mûrs, capables de jouer un rôle immédiat de relance de l’activité et de création d’emplois, devraient être retenus et entrepris. À long terme, ces projets ne devraient pas non plus entraîner d’effets d’éviction au détriment d’autres projets plus performants, aux rendements économique et social plus forts.

    Les conditions de l’efficacité de la dépense publique


    Les dépenses publiques vertes doivent, pour être efficaces, n’intervenir que dans un cadre précis. Tout d’abord, il faut distinguer deux types d’actions : d’une part, celles qui relèvent de l’atténuation du changement climatique, visant à empêcher, conformément aux Accords de Paris, le dépassement des 2°C de la température moyenne du globe au cours de ce siècle, et d’autre part, celles qui facilitent l’adaptation aux risques causés par le changement climatique. En effet, les efforts d’adaptation ne sauraient être négligés ou considérés comme secondaires, la crise actuelle nous rappelant l’importance de la préparation aux événements extrêmes.
    Le besoin de financement pour les investissements verts n’est qu’en partie du ressort de l’action publique, l’investissement privé réalisant la plus grande part de l’effort. Néanmoins, l’État a un rôle essentiel à jouer, car en choisissant de façon stratégique ses projets, il a la capacité de maximiser l’investissement privé découlant d’1€ d’argent public investi. Ainsi, l’investissement public doit être mobilisé soit quand il est une condition indispensable à la réalisation des investissements privés (par exemple, en construisant des pistes cyclables ou des bornes de recharge pour les voitures électriques), soit quand l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre relève strictement de la gestion publique (comme pour les transports en commun, par exemple).

    La valeur tutélaire du carbone, élément-clé de l’analyse coûts-avantages ?


    L’analyse économique développée dans le rapport Quinet II offre un instrument très performant, la valeur tutélaire du carbone, ou valeur de l’action pour le climat, pour orienter et répartir de manière efficace les efforts à fournir afin d’atteindre l’objectif de décarbonation de notre économie. Son utilisation est la suivante : lorsqu’un projet d’investissement permet d’éviter d’émettre une tonne de carbone supplémentaire pour un coût inférieur à la valeur tutélaire, il doit être entrepris. S’il ne le permet pas, c’est qu’il est encore trop coûteux socialement et doit donc être abandonné, ou du moins remis à plus tard.
    La trajectoire de la valeur tutélaire du carbone proposée par le rapport Quinet II est croissante entre aujourd’hui et 2050 : elle est de 250€ en 2030, de 500€ en 2040 et atteint 775€ en 2050. Cela signifie que son utilisation permettra d’optimiser la convergence de notre société vers la neutralité carbone, en établissant, à tout moment, une priorité parmi les investissements qui doivent être effectués. Un projet de décarbonation permettant, par exemple, de réduire les émissions de CO2 pour 400€ la tonne ne sera pas entrepris en 2030, mais pourra l’être en 2040.
    La valeur tutélaire du carbone pourrait devenir ainsi l’élément central de l’évaluation socio-économique des investissements publics. En effet, elle permet de mettre en lumière la rentabilité des projets verts, pour la société et pour l’économie, et de prouver que les investissements verts peuvent être réalisés sans faire fi de la question de leur rentabilité, mais au contraire en raison même de leur efficacité économique.


    L’investissement vert : des multiplicateurs budgétaires importants


    Il est désormais établi que certains investissements verts sont à même d’offrir un effet multiplicateur important sur le PIB, même en comparaison des mesures de relance « grises » traditionnelles. C’est ce que montrent les revues de littérature effectuées dans deux rapports, celui de la SSEE cité plus haut ainsi qu’un autre, de l’OCDE.
    Des études ont ainsi mis en évidence les bénéfices économiques propres aux secteurs de la transition écologique. Les énergies renouvelables sont, par exemple, particulièrement intensives en emplois à court terme. À long terme, leur développement réduit également les coûts associés à l’utilisation de l’énergie, ce qui a un effet positif sur le PIB. Certains investissements verts, comme la construction d’éoliennes ou l’isolation thermique des bâtiments, permettent également d’éviter la fuite de la dépense publique à l’étranger via les importations, qui se produit lorsque le surcroît de demande publique profite davantage au reste du monde qu’à l’économie nationale, réduisant en conséquence l’effet multiplicateur de l’investissement.
    L’évaluation chiffrée a posteriori des programmes de relances vertes mis en place aux États-Unis, en Europe et en Corée du Sud après la crise financière de 2008 donne une estimation positive de l’efficacité économique des mesures qui ont été déployées. Les énergies renouvelables ont ainsi permis de créer aux États-Unis plus de 26000 emplois de qualité dont le salaire annuel moyen était de 44000 $ contre 38000 $ en moyenne dans le reste de l’économie. En Europe, dans le même contexte, la France a procédé à de nombreux investissements dans l’efficacité thermique des bâtiments, les infrastructures électriques, le transport, l’énergie solaire, etc., dont les effets économiques sont aussi considérés comme positifs. De nombreux autres exemples peuvent être cités.
    Pour l’Europe, la leçon la plus importante qu’on puisse tirer des investissements verts réalisés après 2008 est que les mesures coordonnées au niveau européen ont eu un multiplicateur budgétaire plus important que celles prises au niveau national uniquement : les estimations montrent ainsi que les multiplicateurs des dépenses vertes auraient été compris entre 0,6 et 1,1 aux niveaux nationaux, contre 1,5 pour les politiques de relance européennes. D’où l’importance aujourd’hui des investissements verts qui se font au niveau communautaire, en plus des contributions nationales des différents pays, et de la mise en application du Pacte vert.





    Katheline Schubert, professeur d’économie à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et professeur associé à l’École d’économie de Paris



    « La rentrée sera dure » a dit le Président de la République, et la crise économique semble s’approfondir. Un constat sombre que vous partagez ?

    Commençons par une note optimiste en ces temps de crise : le plan de relance que l’État va mettre en place à la rentrée est une opportunité pour enclencher les changements structurels indispensables de l’économie française. Autrement dit, la relance doit être verte.
    Il faut décarboner l’économie, et il faut le faire vite : l’objectif est d’atteindre zéro émission nette à un horizon de 30 ans, ce qui nécessite une baisse moyenne des émissions de CO2 de 5 à 6% par an. La croissance de la taxe carbone, le meilleur instrument pour y parvenir, est fortement impopulaire et ne va probablement pas être réenclenchée dans un avenir proche. Comme l’ont montré le mouvement des gilets jaunes et la Convention Citoyenne pour le Climat, les Français souhaitent que l’État prenne en charge la décarbonation, au moyen d’investissements publics verts, de subventions, voire d’interdictions. En temps normal les dépenses publiques additionnelles pour ce faire auraient été difficiles à financer ; aujourd’hui, l’État va de toute façon injecter de grandes quantités d’argent public dans l’économie.

    Comment utiliser au mieux cet argent public selon vous ?
    Les investissements publics verts admissibles doivent satisfaire plusieurs critères.
    Tout d’abord, ils doivent être passés au crible d’un calcul économique rigoureux, intégrant la valeur tutélaire du carbone (la valeur de l’action pour le climat du rapport Quinet). Les investissements qui, pour être socialement rentables, nécessiteraient une valeur du carbone supérieure à la valeur tutélaire ne doivent pas être effectués, le coût d’une tonne de carbone qu’ils permettent d’éviter étant trop élevé. L’évaluation ex ante est indispensable.
    Ensuite, ces investissements doivent être en priorité des investissements permettant aux agents de changer leurs comportements, car il ne sert à rien de les inciter à adopter des comportements moins émetteurs de carbone s’ils n’ont pas d’alternatives. On peut citer les investissements dans les infrastructures bas carbone telles que les pistes cyclables et les transports en commun, mais aussi les investissements dans les réseaux (bornes de recharge pour les véhicules électriques par exemple) et le stockage de l’énergie. Les investissements dans la R&D verte, qui sont susceptibles de produire des effets d’entraînement importants et permettront de développer les alternatives de demain aux technologies « brunes » d’aujourd’hui, entrent également dans cette catégorie.
    La rénovation énergétique des bâtiments est souvent également citée comme une priorité. Les émissions directes des bâtiments font environ 20% des émissions de CO2 en France. 2/3 de ces émissions sont dues au chauffage. 12% des logements sont encore chauffés au fioul, 40% au gaz. La question est donc importante. En 2018, 4 milliards d’euros d’aides publiques ont été consacrés à la rénovation, mais avec peu de résultats, pour autant qu’on puisse en juger, car on manque notoirement d’évaluations. Cependant, la France s’est fixé un objectif de rénovation très ambitieux. Là encore, un prix du carbone suffisant rendrait une partie de ces rénovations rentables pour les propriétaires, et elles seraient effectuées spontanément. En son absence, quelques pistes peuvent être suivies par la puissance publique, comme :

    • rénover le tertiaire public (hôpitaux, écoles) ;
    • aider à la rénovation des passoires thermiques, dans lesquelles habitent souvent des populations qui ne pourraient pas payer une rénovation ;
    • n’accorder les aides que sous condition de ressources ;
    • n’aider que les rénovations profondes, les rénovations superficielles (changer les fenêtres) ayant une très faible efficacité ;
    • donner une obligation de résultat, par exemple en proportionnant les aides aux économies d’énergie réalisées.

    Les investissements considérés doivent pouvoir être mobilisés rapidement et avoir un effet multiplicateur suffisant pour être utiles à la relance, et un effet positif suffisant sur l’emploi. L’une de difficultés les plus importantes de la décarbonation de l’économie tient à la question de l’emploi dans les secteurs très émetteurs de carbone. La relance doit aussi permettre d’initier la reconversion des travailleurs de ces secteurs vers des emplois soutenant la neutralité carbone.
    Enfin, il est crucial de ne pas négliger les effets distributifs de ces investissements, que le calcul économique classique prend mal en compte. Les inégalités ont augmenté avec la crise du Covid-19, entre les personnes et entre les territoires. La relance verte doit contribuer à renverser ce phénomène.

    Est-ce à l’Etat de tout faire seul ? Que doivent faire les autres acteurs économiques ?
    Les investissements publics ne suffiront pas à provoquer les transformations structurelles de l’économie. Des investissements privés verts massifs sont également nécessaires. En présence d'un prix du carbone croissant, une grande partie des investissements verts privés seraient effectués spontanément, le prix du carbone les rendant rentables. En l’absence d’une trajectoire crédible de prix du carbone pour l’avenir on se complique la tâche. Divers instruments financiers et régulations peuvent alors aider à orienter l’investissement privé, que l’État peut soutenir (finance verte, règles macroprudentielles…). Mais le prix du pétrole historiquement bas en conséquence de la forte baisse de la demande due à la récession en cours et de la saturation des capacités de stockage, joue dans les pays consommateurs comme une taxe carbone à l’envers.
    En outre, la pression qui s’exerce sur l’État pour aider les secteurs « bruns » à surmonter la crise sans conditionnalité climatique est très forte. De telles aides inconditionnelles accentueraient l’effet négatif du prix du pétrole bas, en incitant ces secteurs à ne pas tirer parti de la crise actuelle pour engager une transformation profonde. En conséquence, il faut conditionner l’octroi de mesures budgétaires et fiscales à l’adoption de plans d’investissements compatibles avec la neutralité carbone, pour que les modalités de soutien ne favorisent pas les choix technologiques les moins durables et, au contraire, fournissent un accompagnement aux transitions, économiques et sociales souhaitables.
    Enfin, le plan de relance est aussi l’occasion de préparer l’économie française à l’augmentation de la température moyenne et à l’augmentation de la fréquence des catastrophes climatiques (sécheresses, inondations…) inéluctables. Pour cela des investissements d’ « adaptation » sont nécessaires pour aider à la transformation de l’agriculture, au renforcement des puits de carbone, ou a la lutte contre la déforestation importée. Il faut accepter qu’ils ne soient pas immédiatement rentables. Mais la crise du Covid-19 a montré, s’il en est besoin, à quel point il est important de préparer l’économie aux chocs qui vont la frapper et d’augmenter ainsi sa résilience.


    Quels enseignements tirer de la crise sanitaire ?

    La crise du covid-19, en nous alertant sur la fragilité de nos systèmes alimentaires mondialisés, a mis en lumière le rôle essentiel des agriculteurs pour nourrir nos concitoyens. Plusieurs leçons sont à retenir pour « l’après ».

    Le circuit de proximité : le « grand gagnant » du confinement
    La perte de mobilité, l’impossibilité d’accéder à une restauration hors foyer, la fermeture de la majorité des marchés de « plein vent » et de certains points de distribution ont conduit au développement très important du drive, des points de vente de producteurs, des plateformes numériques et des logistiques locales. La crise a démontré la grande réactivité de ces circuits de proximité et leur intérêt dans la résilience du système alimentaire.

    La consommation de produits bio en progression
    La crise du Covid-19 aurait pu marquer un coup d’arrêt de la demande de produits bio au profit des produits conventionnels dans un contexte de recentrage sur les biens de première nécessité. Pourtant, loin de faiblir, ce secteur a connu une croissance en grandes surfaces (+6% par rapport aux produits conventionnels). Les produits bio restent donc recherchés par les consommateurs, surtout dans une période de doute, où les produits perçus comme « globalisés » sont critiqués. Ensuite, lorsqu’il existe une forte tension sur l’approvisionnement de certains produits, il peut être plus facile de trouver des produits bio en rayon. En outre, le recentrage sur le commerce en ligne ou de proximité, où le poids du bio est structurellement plus important, a joué favorablement. Pour l’avenir, et malgré la forte tension qui va exister sur le pouvoir d'achat des ménages, l’ensemble des produits aux promesses alternatives (agro-écologiques, locaux…) devraient « tirer leur épingle du jeu » en sortie de crise.

    La consommation de produits bio en progression
    La crise du Covid-19 aurait pu marquer un coup d’arrêt de la demande de produits bio au profit des produits conventionnels dans un contexte de recentrage sur les biens de première nécessité. Pourtant, loin de faiblir, ce secteur a connu une croissance en grandes surfaces (+6% par rapport aux produits conventionnels). Les produits bio restent donc recherchés par les consommateurs, surtout dans une période de doute, où les produits perçus comme « globalisés » sont critiqués. Ensuite, lorsqu’il existe une forte tension sur l’approvisionnement de certains produits, il peut être plus facile de trouver des produits bio en rayon. En outre, le recentrage sur le commerce en ligne ou de proximité, où le poids du bio est structurellement plus important, a joué favorablement. Pour l’avenir, et malgré la forte tension qui va exister sur le pouvoir d'achat des ménages, l’ensemble des produits aux promesses alternatives (agro-écologiques, locaux…) devraient « tirer leur épingle du jeu » en sortie de crise.

    La valorisation indispensable des travaux agricoles pour réussir la transition
    Les problèmes de main-d'œuvre observés, concernent principalement les productions à forte saisonnalité : légumes et fruits tels que les asperges, fraises, tomates,… La crise a mis en exergue la difficulté à employer la main-d’œuvre locale dans l’agriculture, en partie pour des raisons de pénibilité et de rémunération. Elle souligne ainsi que la transition agricole ne peut se faire sans porter une attention particulière à la valorisation du travail agricole et au renouvellement des générations.

    La résilience des filières : diversification, autonomie et relocalisation
    La fermeture de débouchés a conduit à un stockage important de produits (secteur viticole, pêche maritime française, viande, lait...), Cette rupture de marché montre le risque économique d'une agriculture qui mériterait d’être encore davantage diversifiée dans sa production et dans ses circuits de distribution. Il faut se rappeler que la France est dépendante, par exemple, des importations de protéine en provenance du Brésil pour l'alimentation animale (soja) ainsi que du Maroc et de l'Espagne pour sa consommation de fruits et légumes (50 % des fruits et légumes frais consommés en France proviennent de ces pays). Il apparaît ainsi nécessaire d’orienter les systèmes agricoles dans le sens d’une moindre dépendance à la consommation d’intrants et d’énergies fossiles, par le développement de l’agro-écologie et la promotion de systèmes d’élevage herbagers, tout en favorisant la structuration de filières de qualité dans les territoires, et en prenant mieux en compte le développement durable dans les accords internationaux.


    Des révélateurs de la baisse d’activité liée à la crise sanitaire

    Les indicateurs conjoncturels publiés par le service statistique du ministère mettent en lumière l’impact important du confinement et du déconfinement sur l’activité du logement et de la construction, des transports et de l’énergie.

    Dans le secteur du logement et de la construction, les autorisations de la construction de logements et les mises en chantiers ont ainsi connu une forte baisse entre mars et mai 2020 (-46% par rapport aux trois mois précédents) et le recours à l’intérim chute à la fin mars (-60% par rapport à la fin 2019).


    Dans le secteur de l’énergie, la mise à l’arrêt d’une partie des entreprises de l’industrie et du tertiaire à compter de la mi-mars a affecté la consommation d’énergie primaire qui baisse de 7,0% (sur un an) au premier trimestre 2020. Les très fortes limitations de déplacement à compter de la mi-mars ont également fait chuter les ventes d’essence et de gazole.


    S’agissant des transports, le volume de la production marchande de transport recule au premier trimestre 2020 (-7,6% par rapport au trimestre précédent ; -10,8% pour le transport de voyageurs) et le recours à l’intérim chute à la fin mars (-38% par rapport à la fin 2019). Quasiment à l’arrêt pendant les deux mois de confinement, les immatriculations de véhicules neufs redémarrent à compter de la mi-mai et retrouvent en juin leur niveau d’avant crise.



    Comment faire de la prévention des zoonoses un moteur des politiques publiques environnementales

    Rougeole, tuberculose, vache-folle ou encore coronavirus, toutes ces maladies infectieuses qui se sont propagées à l’homme ont toutes pour origine un animal sauvage. Ce phénomène biologique particulier est à l’origine de 60% des maladies infectieuses développées dans le monde
    Le franchissement de la barrière des espèces (de l’animal sauvage, à l’animal domestique, à l’homme) repose sur des vulnérabilités systémiques importantes. Il est ainsi établi que les élevages intensifs, structurés autour de la sélection d’espèces aux défenses immunitaires affaiblies par leur alimentation et leur traitement antibiotique, participent à l’amplification des zoonoses. Par ailleurs, les scientifiques désignent depuis quelques années la destruction des habitats et la perte de biodiversité comme des facteurs facilitant la rencontre entre les espèces animales et les espèces domestiques, voire l’homme. Enfin, le trafic d’espèces protégées amplifie également ce risque.
    L’interconnexion entre la sécurité sanitaire, la sécurité alimentaire et la santé animale, ainsi que l’état et la diversité des systèmes naturels, doivent permettre aux pouvoirs publics de développer une approche intégrée des politiques publiques. Le concept « one health » reliant santé écosystémique, animale et humaine permet cette intégration des politiques environnementales. Il insiste sur l’importance de la prévention environnementale en matière de santé publique. La transformation des pratiques des éleveurs et des consommateurs apparaît ainsi comme un moyen d’agir efficacement en amont du risque de zoonoses. De même, la préservation de la biodiversité et la lutte contre le trafic des espèces protégées doivent être envisagées sous l’angle de la santé publique et non plus seulement sous celui de la préservation des espèces.
    Si la prévention et les changements de comportements sont essentiels, une telle adaptation ne peut être ni brutale ni entièrement supportée par la collectivité publique. Les enjeux sanitaires créent de fait une solidarité entre l’ensemble des acteurs. De nouvelles régulations de secteurs économiques doivent être envisagées, en même temps que sont menées les politiques de préservation de la biodiversité. Ces transformations profondes doivent se faire sur le long terme et tendre à la résilience économique. Elles nécessitent un effort de recherche incitatif et l’élaboration de politiques publiques sous l’angle coûts/ efficacité.


    Antoine Cadi, Directeur de la Recherche et de l'Innovation de CDC-Biodiversité


    La Mission Économie de la Biodiversité vient de publier BIODIV'2050 n°20, qui rassemble un ensemble de propositions visant à permettre une meilleure prise en compte de la biodiversité par les acteurs économiques et financiers après la crise du Covid-19, mais aussi par les pouvoirs publics nationaux et locaux et la société civile.

    Cette crise sanitaire confirme-t-elle le lien entre dégradation de la biodiversité et augmentation des risques de maladies infectieuses pour l'être humain ?
    Nous manquons aujourd’hui de recul pour lier directement Covid-19 et perte de biodiversité, l’hôte d’origine et les modalités de transmission à l’être humain restant à déterminer formellement. Néanmoins, il ne fait aucun doute que les activités humaines, en participant à la dégradation de la biodiversité, sont à l’origine d’une progression des maladies infectieuses.
    En effet, la détérioration des écosystèmes par les activités humaines (déforestation, urbanisation, élevage intensif, changement climatique) concourt à rassembler les conditions favorables à l’émergence de maladies infectieuses, par l’augmentation des contacts avec des espèces sauvages, la modification de la dynamique des agents infectieux, la fragmentation des habitats et la perturbation de la répartition des espèces.
    La préservation et la restauration des écosystèmes doivent être au cœur de la lutte contre l’émergence des maladies infectieuses. Sans cela, nous devrions faire face à de nombreuses autres crises sanitaires.

    La relance économique impulsée par les États qui se dessine peut-elle être une opportunité pour mieux intégrer les enjeux de préservation de la biodiversité ?
    Pour stimuler l’activité, les plans de relance s’orientent classiquement vers de grands travaux, concourant historiquement à un accroissement de l’artificialisation (infrastructures routières, zones d’activité etc) et donc à une pression accrue sur la biodiversité.
    Les sommes mobilisées sont une opportunité pour agir en faveur de la biodiversité. Il est essentiel de favoriser les actions portant une ambition forte en terme de désartificialisation (déconstruction, dépollution, renaturation), de désimperméabilisation des milieux urbains ou de restauration écologique (création de zones humides, de récifs artificiels ou encore de corridors écologiques). Les métiers mobilisés sont très proches et les emplois financés en effectif identique, avec un intérêt supplémentaire pour les actions de restauration écologique dans la mesure où elles permettent la création d'emplois non délocalisables.
    Au-delà du court terme, cette relance est une véritable occasion de créer une société durable, résiliente et solidaire, fondée sur la préservation de la biodiversité et des services écosystémiques associés. Le coût de maintien et de restauration de la biodiversité serait ainsi jusqu’à 2,3 fois plus faible que le coût annuel de l’inaction, qui s’élève à 500 milliards de dollars.

    Au-delà de l'action de l'État, quels acteurs doivent se mobiliser ?
    Dans la perspective d'intégration de la biodiversité dans le plan de relance, nous avons besoin d'un Etat fort qui imprime un rythme et une ambition sans ambiguïté dans l'application de la loi. Au regard de leur ancrage, les collectivités locales jouent un rôle fondamental pour l'intégration de la biodiversité à la gestion des services publics, aux règles d’urbanisme, aux politiques sectorielles, à la gestion des espaces verts et à la structuration du tissu économique local.
    Les entreprises doivent également se mobiliser et diminuer drastiquement l’impact de leurs activités sur la biodiversité. Le monde de la finance est en mesure d’insuffler une nouvelle dynamique et de favoriser la mobilisation de sommes importantes pour financer des investissements en faveur de la biodiversité.
    Cette dynamique collective entre acteurs publics et privés est attendue par les instances internationales et supranationales (Union européenne), le monde de la recherche, les associations environnementales et la société civile dans son ensemble.


    Ministère de la Transition écologique et solidaire
    Commisssariat général au développement durable
    92055 LA Défense Cedex


     
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