hit counter

Meta Tag Generator

Touchepasmaroche-mere Touchepasmaroche-mere


  •     ACCUEIL    
  • Derrière la question du gaz, l'hydrogène est aussi un enjeu de souveraineté européenne et d’indépendance

    Publié le 21 Février 2022  


    Lien vers l'article original: ici


    Vladimir Poutine, mardi à Moscou. (Sipa )

    CARNET DE BORD DE LA PFUE - Raphaël Cario, membre du groupe de travail environnement, en charge des questions d’hydrogène, réagit aux tensions entre l'Ukraine et la Russie. Suivez chaque semaine l'actualité de la PFUE avec des experts d'EuropaNova sur le JDD.fr.


    Le conflit avec l’Ukraine et la crise du gaz qui l’a précédée a mis en lumière la dépendance commerciale, et spécifiquement énergétique, de l’Union Européenne face à la Russie. Aujourd'hui, la Russie est le premier fournisseur de gaz naturel de l'UE (40 % de son importation extracommunautaire). Cette dépendance est devenue un moyen de pression russe face à la diplomatie européenne, divisant la réponses des États membres et générant des conflits internes, notamment par la hausse des prix.

    Au début de la Présidence française du Conseil de l’Union européenne, l’Union fait face à sa plus grande crise sur sa frontière Est avec le risque d’une invasion russe de l’Ukraine et la réponse des européens est structurée par ses enjeux commerciaux et sa dépendance énergétique. Ajoutées à cela, les considérations climatiques d’une consommation de combustibles fossiles parmi les plus polluants, une diversification et verdification de la consommation énergétique européenne est activement recherchée par l’UE et était au centre des premières réunions de la PFUE.

    Au centre des stratégie européennes, nationales et supranationales, la production et consommation d’hydrogène, vecteur énergétique dont les progrès technologiques peuvent laisser entrevoir une solution dans les secteurs non-electrifiables de l’économie. Cependant, l’hydrogène aujourd'hui massivement produit d’origine fossile, peut être issu de l’électrolyse, et donc de manière décarbonée pour peu que son électricité soit bas carbone. Cependant, dans ce nouveau secteur central au mix énergétique européen et à ses objectifs, le conflit entre Russie et Ukraine rejaillit dans la stratégie d'une commission géopolitique, laissant présager de nouvelles tensions.

    Ukraine comme producteur exportateur aux portes de l’Union européenne


    Dans sa vision stratégique de 2018 sur la neutralité climatique de l’Union, la Commission européenne prévoit que la consommation d'hydrogène à des fins énergétiques pourrait passer de 2 % aujourd'hui à 13-14 % du mix énergétique d'ici 2050. Lors de la publication de sa stratégie hydrogène en juillet 2020, elle détaille ses objectifs de production et d'importation. L’accent est mis sur l’Ukraine qui est directement citée comme pouvant représenter près de 8 GW d’importation (10% des objectifs de consommation de l’UE). En effet, elle dispose d’un important potentiel de production d'électricité décarboné, solaire et éolien.

    Ce positionnement de l'Ukraine remplit un double rôle : limiter la dépendance ukrainienne au trafic du gaz russe sur son sol, qui a été un moyen de pression majeur pendant la guerre de 2014 ; et pallier la baisse des revenus du gaz face aux routes alternatives (comme les gazoduc Nord Stream 2 vers l'Allemagne).

    Jusqu'à présent, l’Ukraine a été l'un des principaux pays de transit du gaz naturel. Elle pourrait devenir un pays exportateur. Cependant, les Etats membres conservent une ambiguïté individuelle sur le rôle qu’ils souhaitent voir prendre aux importations d’hydrogène, face à la tentation d’une autosuffisance dans sa production.

    Les Européens en ordre dispersé


    Deux positions existent vis-à-vis de la production d’hydrogène décarboné pour le marché européen. Si l’Allemagne assume qu’elle ne pourra pas assurer à elle seule une production suffisante d'hydrogène, elle préconise des accords d’importation avec des pays à fort potentiel de production. En novembre, elle signe un accord avec la Namibie (représentant 3 GW de capacité d’électrolyseur). Annalena Baerbock, Ministre fédérale allemande des Affaires étrangères (Grüne), annonce le 17 janvier lors de sa visite dans la capitale ukrainienne l'ouverture par le gouvernement allemand d’un "bureau pour la diplomatie de l'hydrogène à Kiev".

    La France prend le parti d’une production européenne indépendante, sans importation extracommunautaire. Le gouvernement français a pour le moment parié sur une production nationale basée sur une technologie et une consommation française. En juin dernier, les ministres de l’énergie français, hongrois, estonien et polonais se sont tous clairement prononcés contre les importations d’hydrogène lors d’une réunion des 27 ministres européens.

    La Russie tente de limiter les pertes commerciales


    L’ambition de la Russie de maintenir son assise dans le marché de l’énergie européen prend une nouvelle tournure dans la perspective d’une invasion de l’Ukraine. Si le gaz est aujourd'hui un point de pression, financier et industriel, une invasion affaiblit les objectifs européens d'importation d’hydrogène ukrainien.

    Le site de production au plus grand potentiel en Ukraine est le réservoir de Kakhovka situé dans le cours inférieur du fleuve Dniepr. L’objectif est la construction de centrales électriques d'une capacité totale de 4 GW (solaires flottants placés autours de près de 150 éoliennes). Financé en partie par des investisseurs allemands, le parc doit par électrolyse produire de l'hydrogène destiné à être exporté vers l'Allemagne. Cependant, le réservoir de Kakhovka est situé dans l’Est du pays à moins de 200 km de Donetsk la “capitale” informelle des indépendantistes du Donbass et 150 km de la Crimée.

    Géopolitique de l’hydrogène, et son risque


    Comme EuropaNova le présentait dans son étude de septembre 2021, le marché de l’hydrogène pose de nouveaux enjeux de souveraineté européenne et d’indépendance stratégique. Il y a aujourd’hui une menace militaire aux frontières de l’Europe pour la production d’hydrogène renouvelable pour l'importation. L’Allemagne a misé sur cette diversification pour limiter sa dépendance et réduire la place du gaz dans son mix énergétique, fortement augmenté après l'arrêt du nucléaire allemand ces vingt dernières années. La stratégie européenne d'importation d’hydrogène pourrait être mise à mal par un conflit avec la Russie si une future source d'importation d’hydrogène retombe sous influence russe.

    De plus, le soutien commercial à long terme à l’Ukraine en matière énergétique ne saurait remplacer un soutien diplomatique immédiat et ne peut pas être une distraction face aux besoins directs de l'Ukraine contre la menace russe. Le gouvernement allemand qui d’une main promet une coopération accrue en matière énergétique et de l’autre bloque l’envoi de matériel militaire à l’Ukraine montre les limites de la seule attention à la diplomatie énergétique. Les menaces militaires à court terme pour l’Europe seront les causes des futures crises énergétiques. La diplomatie européenne ne peut se passer de combattre les deux.


    © Raphaël Cario pour lejdd.fr

     
    Partager en 1 clic :
    Imprimer ou télécharger en PDF cet article :
    Print Friendly and PDF

    Aucun commentaire :

    Enregistrer un commentaire